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L’ORIENT.

veillé, le reprit par le col, lui appuya le pouce sur la tête, et la vipère najah se roidit comme ces serpents que le froid a durcis et qui se briseraient comme verre plutôt que de plier ; mais le jeune garçon lui souffla et lui cracha dans la gueule, et le serpent reprit son élasticité onduleuse.

Il enroula la vipère à ses bras, à son col, la fit glisser dans sa poitrine et ressortir par sa manche, exercices qui n’ont rien de dangereux si la bête, comme cela est plus que probable, est privée de ses crochets, mais qui ne nous en inspiraient pas moins une terreur involontaire.

Le serpent en lui-même n’est pas laid, les écailles qui le recouvrent sont imbriquées d’une façon symétrique et les couleurs dont elles sont nuancées sont souvent pures et brillantes. Si la beauté vient de la ligne courbe, comme le prétend Hogarth, rien ne serait plus gracieux que le reptile, dont la démarche est une suite d’ondulations et de sinuosités harmonieuses. Sa tête triangulaire, animée d’yeux vifs, n’a rien de hideux en soi.