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ÉGYPTE.

innocents Orestes, auraient pu s’écrier s’ils avaient connu Racine :

Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ?

L’exercice se termina par un galop infernal : le psylle trépignait, la vipère stridait et faisait des zigzags pareils à ceux de l’éclair, et les pauvres singes, fous d’épouvante et d’horreur, se livraient à une ronde insensée, ne pouvant fuir que circulairement. Ils grinçaient, sautaient, gesticulaient avec tous les signes du désespoir. Enfin, le maître, fatigué sans doute, lâcha le serpent, qui regagna de lui-même le sac jeté à terre, son repaire habituel, et les singes, à peine remis « d’une alarme si chaude », les yeux battus, le museau pâli, recommencèrent à se gratter l’oreille, à brocher des babines, à montrer les dents et à retirer de leurs bajoues quelque noyau de datte pour le croquer.

Les sensations, si vives chez les singes, sont passagères et promptement oubliées ; les cynocéphales ne paraissaient plus songer à la vipère najah.