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SALAMMBÔ.

Ces formidables manières de s’amuser effrayent Carthage, qui se débarrasse adroitement des Mercenaires en les comblant de caresses et en les envoyant à Sicca attendre le règlement de leur solde, sous prétexte qu’une si grande multitude affamerait la ville. Chaque soldat a reçu une pièce d’or, et ils s’en vont joyeux et pleins d’espérance par la rue Khamon et la porte Cirta. Ce défilé que regarde le peuple du haut des murailles fournit à l’auteur l’occasion de montrer une armée antique en marche, avec une puissance de vie et de relief extraordinaire. Ce n’est pas une description, c’est une évocation. On les voit passer comme si l’on était soi-même sur la terrasse d’une maison carthaginoise, ces archers, ces hoplites, ces soldats de tous les pays aux armures bosselées, aux cottes de mailles effrangées, aux visages noircis par le hâle des combats. Les aigrettes de leurs casques ondulent, leurs lances brillent au soleil ; on entend le rhythme de leurs cothurnes en bronze, le froissement de leurs glaives, le bruit cadencé de leurs respira-