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L’ORIENT.

tions, tandis qu’en masses compactes ils coulent à pleins bords par les rues étroites qu’ils semblent près de faire éclater. Puis arrivent les malades, les blessés montés sur des dromadaires, les goujats, les maraudeurs, toute cette plèbe impure et rapace qui suit les armées ; et bientôt l’immense cortège se perd à l’horizon.

En traversant cette nature africaine qui devient de plus en plus farouche à mesure qu’on s’éloigne de Carthage, les Mercenaires, la plupart hommes du Nord, éprouvent comme une vague inquiétude ; ils ont peur de se perdre au pays du sable, de la famine, de la soif et des épouvantements. Ils voient des lions mis en croix par les paysans comme ailleurs on cloue aux portes des chouettes ou des buses. Des végétaux féroces les piquent de leurs pointes vénéneuses, les moustiques les harcèlent sans répit ; déjà les maladies les assaillent, quand enfin ils aperçoivent les murailles de Sicca, où les prêtresses de Tanit les attendent, bizarrement parées et jouant de la harpe.