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L’ORIENT.

tueux, la lèpre immonde le dévore, et il fait envoler de sa peau, en la grattant avec une spatule d’aloès, une poussière blanche comme la râpure de marbre. Ses chairs flasques débordent par-dessus les bandelettes qui les compriment ; son menton pend comme un fanon de bœuf ; dans sa face bouffie et pâle ses yeux aux cils rares reluisent d’un éclat métallique, et son nez crochu se recourbe en bec d’oiseau. On dirait une grosse idole informe couverte d’ex-voto barbares. Il essaye de haranguer cette soldatesque effrénée qui l’entoure tumultueusement et ne comprend pas un mot de punique. Spendius se nomme traducteur d’office, et, conservant avec art quelques noms reconnaissables, il travestit si bien le discours de Hannon, que les Mercenaires, furieux, veulent assommer le suffète, qui n’a que le temps de se sauver, abandonnant son bagage, ayant pour monture un âne, lapidé par les monnaies de la solde, et poursuivi des injures les plus infâmes.

Spendius, l’auteur de ce mouvement, n’est pas homme à n’en pas profiter. Il souffle sur