Page:Gautier - L’Orient, tome 2, Charpentier-Fasquelle, 1893.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
295
SALAMMBÔ.

L’armée campe autour de la ville, trop petite pour la contenir, et sa multitude fourmille en proie aux agitations sourdes, aux mécontentements que fomente Spendius, et aux colères qu’excite le retour de Zarxas, le chef des Baléares, sur qui Carthage a fermé ses portes et qu’elle a massacrés avec des raffinements de cruauté inouïs, faisant de leurs supplices des holocaustes à ses dieux atroces. Zarxas seul s’est échappé, et raconte aux Mercenaires, qui croyaient que leur arrière-garde s’était égarée, le sort de ses compagnons. L’exaspération est au comble, quand paraît, balancé par sa litière, le suffète Hannon, apportant un à-compte sur la solde. Jamais l’art n’a rendu une figure plus terriblement repoussante et d’une hideur plus sinistre que celle de ce suffète, en qui semblent se résumer les monstruosités de Carthage et les gangrènes de l’Afrique. Sous les plaques d’or et les pierres précieuses des colliers, sous le ruissellement des parfums et des onguents, sous les plis de la pourpre, au milieu de son luxe de richard et de volup-