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SALAMMBÔ.

jusqu’à les toucher, par une atmosphère raréfiée, humide et lourde, vous oppresse la poitrine comme un cauchemar. Souvent la respiration vous manque, ainsi qu’aux deux nageurs, et vous poussez un soupir de satisfaction quand ils débouchent dans la vaste citerne et gagnent enfin l’air libre.

À travers le dédale des rues muettes, Spendius et Mathô se glissent vers le temple de Tanit et y entrent sans rencontrer d’obstacle. Le sanctuaire est si vénéré, si bien défendu par la terreur superstitieuse qu’il inspire, qu’on ne songe pas même à le garder. D’un pas léger ils parcourent de hautes salles pleines d’ombre et dont le plafond découpé laisse voir les scintillations des étoiles, des chambres éclairées par de faibles lueurs, aux murailles peintes de symboles cosmogoniques d’une monstruosité primitive, qui semblent vivre d’une sorte de vie difforme. Ils enjambent les prêtresses de Tanit tatouées de fard, luisantes d’aromates, plaquées de clinquant, qu’on prendrait, à les voir endormies sur le plancher, pour des