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LE SAHARA.

Tout ce côté du ciel était sombre et présentait l’aspect d’un énorme océan de nuages dont le dernier flot venait pour ainsi dire s’abattre et se rouler sur l’extrême arête de la montagne, mais la montagne, comme une solide falaise, semblait le repousser.

« Au large, et sur toute la ligne orientale du Djebel-Sahari, il y avait un remous violent, exactement pareil à celui d’une forte marée ; derrière, descendaient lugubrement les traînées grises d’un vaste déluge ; puis, tout à fait au fond, une montagne éloignée montrait sa tête couverte de légers frimas ; il pleuvait à torrents dans la vallée du Metlili, et quinze lieues plus loin il neigeait ; — l’éternel printemps souriait sur nos têtes ! »

Cette impression, si admirablement rendue, devait être ineffaçable. Le désert tenait et possédait pour toujours notre jeune artiste ; aussi le voyons-nous, en 1853, à Medeah, triste, troublé, agité de nostalgie comme le soldat suisse qui entend au delà du Rhin le ranz des vaches natal. Quoiqu’on soit au mois de mai, l’hiver a encore le pied posé sur les