Page:Gautier - L’Orient, tome 2, Charpentier-Fasquelle, 1893.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
L’ORIENT.

ses belles prunelles brunes dans la moite limpidité de ses grands yeux, en continuant toujours son grasseyant murmure, tout allangui de terminaisons en a et de voyelles enfantines. Cependant Ramgoun et Saoundiroun pivotent sur elles-mêmes avec une rapidité effrayante ; quelque chose de blanc scintille et voltige au milieu du tourbillon : c’est une écharpe que les valseuses chiffonnent et tourmentent entre leurs doigts ; la valse effrénée se prolonge, le vieux Ramalingam entre-choque ses cymbales avec un redoublement d’ardeur, le travail avance ; au sein du nuage papillotant vous voyez déjà poindre le bec du pigeon : sa tête se dessine, son corps s’arrondit, ses ailes palpitent ; après le pigeon vient le nid et le palmier avec ses feuilles figurées par les bouillons de l’étoffe. La musique cesse, les valseuses s’arrêtent et viennent vous présenter, un genou en terre, leur gracieux travail.

Ce qu’il y a de plus surprenant, c’est qu’après cette valse délirante, qui dure près d’une demi-heure, les bayadères ne laissent