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POÉSIE PERSANE.

et, pour ainsi dire, la plus raisonnable. Assis sur la terrasse de sa maison pendant une de ces belles nuits d’été qu’argente la lune et que choisit le rossignol pour conter ses amours à la rose, Kèyam, seul avec quelque belle au teint nuancé des fraîches couleurs de la tulipe et relevé par un de ces grains de beauté si chers aux poètes persans, vidait la coupe de l’amour et de l’ivresse, ou bien encore, avec des amis qu’abreuvait un infatigable échanson, improvisait des vers qui se rhythmaient aux chants des musiciens.

D’autres fois il s’en allait dans la campagne, déployait un de ces tapis sur lesquels les Orientaux aiment à s’accroupir au bord d’un ruisseau limpide, à l’ombre des platanes ou des cyprès, et il se laissait aller au kief tout en donnant des baisers aux lèvres de la coupe pleine d’un vin couleur de rubis, préférable à tous les joyaux d’Haroun-al-Raschid. Mais si Kèyam s’abandonne à l’ivresse dans le but de se rapprocher de la Divinité, il a parfois, il faut en convenir, le vin impie : témoin ce quatrain qu’il improvisa un soir qu’un coup