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POÉSIE PERSANE.

former extérieurement à la foi des autres.

Le soufisme se divise en plusieurs branches dont quelques-unes inclinent vers un panthéisme mystique et spiritualiste, où la matière s’évanouit dans la pensée divine, mais toutes ont au fond la même doctrine secrète : le dédain des choses terrestres, le mépris des formes religieuses regardées comme inutiles, et l’anéantissement en Dieu.

Arrivons, maintenant que le lecteur connaît Kèyam, à l’appréciation de ses quatrains. Rien ne ressemble moins à ce qu’on entend chez nous par poésie orientale, c’est-à-dire un amoncellement de pierreries, de fleurs et de parfums, de comparaisons outrées, emphatiques et bizarres, que les vers du soufi Kèyam. La pensée y domine et y jaillit par brefs éclairs, dans une forme concise, abrupte, elliptique, illuminant d’une lueur subite les obscurités de la doctrine, et déchirant les voiles d’un langage dont chaque mot, suivant les commentateurs, est un symbole. On est étonné de cette liberté absolue d’esprit, que les plus hardis penseurs modernes égalent à