Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 2.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— J’ai été heureuse quelque temps, dit Fatkoura, bien heureuse, tu semblais m’aimer, mais j’ai payé cher ces jours de joie. Que t’avais-je fait, cruel, pour que tu me délaissas ainsi ?

— Tu l’avais deviné, douce princesse ; un amour tout-puissant, invincible, me détournait de toi, ma volonté n’obéissait plus à ma raison.

— Oui ! que peut-on contre l’amour ? Je sais à quel point il vous dompte, moi qui en vain ai essayé de te haïr. Oui ! tu les as éprouvées ces tortures aiguës, ces attentes sans but, ces rêves fiévreux, ces espoirs qui ne veulent pas mourir, tu les as connus ces sanglots qui ne soulagent pas, ces larmes qui brûlent comme une pluie de feu. En proie à un amour impossible, tu as souffert autant que moi. N’est-ce pas que c’est affreux et que tu as pour moi quelque compassion ?

— Pour réparer le mal que je t’ai fait, je voudrais donner ma vie.

— N’est-ce pas qu’on n’a de repos, ni nuit ni jour ? il semble que l’on soit au fond d’un précipice bordé de rochers abrupts, on veut remonter, puis l’on retombe. Mais je suis folle, ajouta Fatkoura, ta souffrance n’est rien auprès de la mienne, tu étais aimé.

Le prince eut un tressaillement.