Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 2.djvu/240

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C’est en face de ce miroir, sur les quelques marches de bois qui conduisent au temple, que le prince de Nagato vint s’agenouiller à l’instant que la Kisaki lui avait indiqué. Il faisait nuit déjà, la lune était levée, et sa lumière, brisée par le crible des hautes branches et des feuillages, tombait sur le sol. La solitude se faisait autour du temple : les prêtres étaient rentrés dans les pagodes somptueuses qui avoisinent le monument rustique des premiers âges ; les pèlerins s’étaient éloignés ; on n’entendait plus que le vague frisson des cèdres dans le vent.

Le prince prêtait l’oreille. Impressionné malgré lui par la sainteté du lieu, il trouvait la nuit étrangement solennelle. Le silence avait quelque chose de menaçant, l’ombre des cèdres était hostile, le regard bleu de la lune semblait pleurer sur lui. Pourquoi une angoisse invincible oppressait-elle ainsi son cœur ? Qu’allait-il apprendre ? Pourquoi la souveraine était-elle à Naïkou, au lieu d’être dans son palais ? Cent fois il se faisait la même question, à laquelle il ne pouvait répondre.

Enfin, il se sentit touché légèrement à l’épaule, il se leva ; un jeune bonze était près de lui ; il se mit à marcher sans mot dire. Nagato le suivit.

Ils traversèrent des bosquets de bambous,