Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 2.djvu/252

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dans l’armée ennemie comme un navire dans la mer, mais les flots s’étaient refermés derrière elle, elle était enveloppée, captive, plus ardente que jamais cependant ; les soldats de Hiéyas crurent avoir emprisonné la tempête. Les désespérés sont terribles, le carnage était effrayant ; les blessés se battaient encore, la terre inondée de sang s’amollissait, on piétinait dans la boue, on eût pu croire qu’il avait plu. Cependant dix mille hommes contre cent mille ne pouvaient tenir bien longtemps. Les héros qui entouraient le jeune chef n’étaient pas vaincus pourtant, ils ne reculaient pas, ils se laissaient tuer sur la place conquise. Mais leur nombre diminuait rapidement : bientôt il n’y eut plus au centre de l’armée qu’un énorme monceau de cadavres. Signénari, couvert de blessures, formidable, luttait encore. Il était seul, l’ennemi hésitait devant lui, on l’admirait, quelqu’un lui lança une flèche cependant, il tomba.

Hiéyas, étendu dans une litière, était sur le champ de bataille. On lui apporta la jeune tête grave et charmante du général Signénari ; il vit les cordons du casque coupés ; il respira les parfums dont la chevelure était inondée.

— Il a mieux aimé mourir que se rallier à ma cause, dit-il en soupirant. La victoire