Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 2.djvu/94

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— Ah ! s’écria Loo, jamais je n’ai tant ri ! Dès que j’eus volé la tête du supplicié, j’entendis des cris de toutes parts. Alors je cherchai un cheval pour être prêt à m’enfuir. Cependant je n’avais pas l’idée de m’en aller encore. Lorsque je fus sur la monture de mon choix, je cassai une branche résineuse, et je l’allumai à une lanterne que je décrochai et que je jetai ensuite dans la paille des litières. Cette paille s’enflamma aussitôt, et le vent soufflant sur ma torche l’activait. Je m’éloignai mettant le feu partout. À ma grande surprise, les soldats, au lieu de sauter sur moi et de me tordre le cou, se jetaient à genoux en m’apercevant, tendaient les mains vers moi et me suppliaient de les épargner, les uns me prenant pour Tatsi-Maki, le dragon des Typhons, les autres pour Marisiten, et ils croyaient voir en mon cheval le sanglier sur lequel se tient debout le dieu des batailles. Je me tordais de rire, et plus je riais, plus ils avaient peur ; alors, je traversai la forêt au pas, prenant mes aises, allumant ici une bannière, là un arbre mort ou un paquet de fourrage.

— Jamais je n’aurais cru qu’une armée puisse être terrifiée ainsi par un enfant ! s’écria Raïden, qui riait de tout son cœur.

— Si tu les avais vus, disait Loo, comme ils marmottaient, comme ils tremblaient.