Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 2.djvu/96

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— Maintenant, dit le prince, hâtons-nous : il faut avant l’aurore être à Kioto.

On mit les chevaux au galop. Quelques hommes marchaient devant en éclaireurs.

Le prince devança aussi le reste de sa troupe. Il voulait être seul, afin de cacher son émotion et son inquiétude. Il n’avait pas rêvé ; le messager avait bien dit à Hiéyas que l’attaque de Kioto allait commencer. Attaquer la capitale sacrée des mikados ! vouloir porter la main sur la personne divine du Fils des dieux ! Nagato ne pouvait croire à un tel sacrilège ; de plus, l’idée que la Kisaki était en danger le bouleversait. Elle, insultée dans sa puissance souveraine par un de ses sujets, effrayée par les cris de guerre, par le bruit d’un combat, contrainte à fuir peut-être, cette pensée le plongeait dans une rage folle. Il s’étonnait de n’avoir pas sauté à la gorge de Hiéyas pour l’étrangler de ses mains au moment où il avait parlé de Kioto.

— J’ai eu pitié et respect de sa vieillesse, se disait-il ; un tel homme mérite-t-il la pitié ?

Cependant, à travers ces pensées de colère et d’inquiétude, il se défendait mal d’un sentiment de joie profonde. Se rapprocher d’elle, la revoir, entendre encore cette voix dont son oreille était si avide ! était-ce possible ? Son cœur se gonflait dans sa poitrine, un sourire