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Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/43

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quatre énormes piliers triangulaires : chacun de ces piliers représente un des âges de l’intelligence humaine, – l’âge de la religion, l’âge de la poésie, l’âge de la philosophie, l’âge de la science, qui est le nôtre. Ces âges correspondent par une secrète sympathie aux quatre désignations métalliques : l’or, l’argent, l’airain et le fer.

Quatre statues différemment significatives sont placées au bas de leurs piliers respectifs :

Au bas du pilier de la religion, sur la face intérieure, Moïse tient d’une main les tables de la loi qu’il a rapportées du Sinaï, et de l’autre il montre le ciel. Sur son front protubérant saillent ces cornes qui ornaient aussi Bacchus ; emblème où l’antiquité voyait un signe de puissance, et que la phrénologie expliquerait par l’énorme développement des bosses de la vision des esprits. Moïse exprime l’autorité. Une grandeur triste le caractérise ; sa barbe descend à flots sur sa poitrine, comme une avalanche de neige ; ses traits, qui ont réfléchi la splendeur de Dieu, semblent flamboyer, et, par leurs angles fermement sculptés, accuser la résolution immuable et la loi profonde du législateur théocratique.

Au-dessus de la statue, dans un cartouche carré, l’on voit un sujet qui n’a jamais été peint que nous sachions et qui est d’une beauté terrible et grandiose : c’est Dieu enterrant Moïse. Le législateur hébreu, après avoir regardé du haut d’une montagne cette terre de Chanaan [sic] où il ne devait pas rentrer, disparut, comme on sait, d’une manière mystérieuse, et l’on ne put jamais retrouver son cadavre. Suivant des légendes orientales et thalmudiques d’une haute poésie, Dieu fut obligé de tuer son révélateur, et de l’enterrer lui-même ; car l’ange de la mort n’osait saisir ce