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Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/86

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crispé, ruisselant de sueur, remonte sur la colline abrupte le rocher de ses ambitions, qu’un démon railleur fait immédiatement rouler en bas de la pente.

De l’autre côté, un démon tourne sur une roue aux dents d’acier une femme dépouillée de ses vêtements, et dont le corps va être lacéré avec la plus ingénieuse barbarie, le sol étant armé de pointes aiguës qui ne laissent que peu d’espace entre elles et la roue.

Ailleurs, c’est la procession des moines couverts de leurs accablantes chapes de plomb, qui continue sa route perpétuelle sur un chemin pavé de corps souffrants.

Sur un plan plus avancé, un hérésiarque enfonce dans la glace jusqu’aux genoux, le crâne fendu, soutient d’une main ses entrailles qui coulent par son ventre ouvert. Ugolin, dans sa vengeance anthropophage, dévore son ennemi l’évêque Roger, et Bertrand de Borne, le mauvais conseiller du roi Jean, porte à la main sa tête en guise de lanterne. Dante accomplissant sous la tutelle de Virgile son infernal pèlerinage, retrouverait là tous les supplices qu’il a si complaisamment décrits dans ses inflexibles tercets.

Aux régions supérieures, emportée par le tourbillon éternel, tournoie comme un long vol de grues, et trainant sa plainte, la file des amoureux coupables, parmi lesquels se détache le groupe charmant de Paolo et de Francesca de Rimini « qui ne lurent pas plus avant ce jour-là. » Cette partie de la composition est d’une légèreté, d’un mouvement et d’une poésie admirable. C’est là que l’artiste a déployé toutes les ressources de grand dessinateur et s’est donné cette tâche de mettre le corps humain dans toutes les positions impossibles, que s’est