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Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/87

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imposée pendant sa vie centenaire le bizarre génie du peintre de la Sixtine.

Le Purgatoire est enfermé dans un cercle de mosaïque qui forme la base de la croix et qu’on rencontre le premier en venant de la porte.

Sur le devant sont étendus à terre, dans des attitudes allanguies [sic] et somnolentes, les paresseux et les incertains, sous la garde d’un grand ange assis qui tient un glaive sur son épaule, l’air menaçant, mais sérieux et triste comme l’ange de la Mélancolie d’Albert Durer.

Ils ne souffrent aucune des tortures atroces de l’enfer ; leur peine est toute morale. Ils attendent l’heure de la délivrance, mais l’aiguille ne semble plus marcher pou eux sur le cadran de l’éternité ; chaque minute est un siècle ; ils espèrent et désespèrent, comme ces prisonniers des mines de Sibérie qui ne savent pas à combien de temps ils sont condamnés et ne peuvent compter les jours dans ces lieux où le soleil ne luit jamais ; cette expiation leur est infligée pour n’avoir été ni bons ni mauvais : ils ont eu l’intention et non l’action ; ils faut [sic] qu’ils réchauffent leur froide nature au feu du désir ; cette expiation passionnée est la coupelle qui les raffine pour le Paradis.

Au second plan le musicien Casella, entouré d’une foule attentive, joue de la viole d’amour ; son auditoire se compose d’âmes tendres et faibles que l’art, la galanterie, la parure, les vanités mondaines ont séduites pendant leur vie, mais sur qui la haine n’a pas eu de prise : c’est pourquoi cette consolation d’entendre la musique ne leur a pas été refusée en attendant l’entrée dans la béatitude éternelle. Amicalement groupées, elles écoutent Casella avec un attendrissement douloureux et un plaisir pénible,