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Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/95

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animant cette foule plus nombreuse encore que les légions de figures peintes en style néo-byzantin du mont-Athos, dans cette église grecque de Salamine, qui étonne si fort les voyageurs.

C’est la première fois qu’a lieu une tentative de ce genre pratiquée sur une si grande échelle : jusqu’à présent les ressources de la peinture appliquées à la décoration des temples ou des palais n’avaient guère rendu que les symboles des religions fausses ou vraies, les hauts faits plus ou moins authentiques des dynasties légitimes ou usurpatrices. Tous les dieux et tous les rois avaient trouvé dans les arts des interprètes soumis et des adulateurs pleins de souplesse : le saint le plus obscur a eu ses chapelles décorées de chefs-d’œuvre. Le moindre quart de dieu antique a eu des milliers de statues en marbre ; les rois les moins glorieux ont fait peindre vingt fois leur légende chimérique, et jamais cette idée si simple et si grande de rendre justice au génie humain par une glorification synthétique de ses phénomènes et de ses évolutions n’était venue à personne.

Cependant, cette intelligence qui, dès les premiers jours du monde, renonce aux délices de l’Eden pour avoir la connaissance du bien et du mal, et s’élance du paradis à la recherche d’un idéal supérieur, préférant la lutte et l’exercice de son libre arbitre au bonheur sous conditions ; cette âme universelle, à qui les générations, en se succédant sans s’interrompre, prêtent leurs corps collectifs, et dont les facultés éclatent par tant de manifestations splendides, valent bien qu’on les célèbre dans une apothéose colossale, suprême effort de l’art.

L’artiste qui a conçu cette pensée a mis dans l’accomplissement de sa