Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/116

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Alors Biissy se planta devant lui, croisant les bras, imitant l’attitude du guerrier.

— Ah ! çà, qu’est-ce que tu cherches avec cette insistance ? lui dit-il. Tu me sembles n’être connu de personne ici ; serais-tu un espion ?

Le jeune homme avait parlé français.

— Je n’entends pas l’idiome des infidèles, répondit dédaigneusement le guerrier.

— Eh bien, « le fils de cette race bâtarde » a déjà cet avantage sur celui de la race légitime, qui descend tout droit du diable, c’est qu’il parle et comprend son jargon, dit Bussy en changeant de langage.

— Pourquoi cherches-tu à m’insulter ? je ne te connais pas.

— Pourquoi m’as-tu regardé ?

— Parce que tes yeux sont bleus.

Bussy éclata de rire.

— Je n’accepte pas cette excuse, dit-il, même en te tenant pour fou.

L’inconnu eut un éclair de fureur dans les yeux.

— Mon sabre a soif de sang, s’écria-t-il, et tu seras la fontaine qui l’abreuvera.

— À moins que tu ne fournisses le bain où se plongera mon épée.

— Soit, battons-nous, et qu’Allah nous juge ! dit le guerrier en portant la main à son sabre.

— Un instant ! La race bâtarde n’a pas la coutume de se donner en spectacle aux dames. Nous nous égorgerons, si tu le veux bien, au petit jour.

— Comme tu voudras. Où te retrouverai-je ?