Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/122

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— Qui donc t’envoie ? demanda le marquis singulièrement attentif.

— Quelqu’un qui te hait.

— Une femme ?…

— Une reine !

— Ourvaci ! c’est Ourvaci ! s’écria le jeune homme, un instant suffoqué par l’émotion.

— Ne prononce pas aussi familièrement le nom d’une reine.

— Pourquoi t’envoie-t-elle, est-ce pour me tuer ?

— Tu serais mort déjà si c’était cela. Non, jusqu’à présent, on ne m’a pas donné l’ordre de te tuer.

— Ce sera pour plus tard ; mais que me veut-on en attendant ?

— À cause de toi, cette reine que tu as mortellement outragée, est réduite au désespoir, la vie lui est odieuse, puisque, non content de rejeter ses présents, tu empêches, sans doute par des maléfices, qu’elle puisse se purifier de l’injure.

Bussy redoubla d’attention : des maléfices ! Il comprenait à présent les paroles du fakir, elles contenaient le talisman qui pouvait le faire triompher. Ce fakir était un dieu, il eût voulu le revoir, serrer dans ses bras ce sublime squelette.

Mais Arslan reprit :

— La reine te croit magicien ; mais j’ai bien vu que tu ne l’es pas, puisque tu n’as pas su échapper au regard de Sata-Nanda.

— Qui te dit que je voulais me dérober ? répliqua Bussy.

— Tu as nié sa science.