Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/121

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Le marquis eut un sursaut, et, reconnaissant l’homme qu’il avait provoqué, leva les yeux vers le ciel, où les étoiles brillaient encore.

— Il ne fait pas jour, dit-il, que me veux-tu ?

— Je crois que tu es l’homme que je cherche.

— Eh bien, tu me cherches trop tôt, puisque notre rendez-vous est au jour naissant.

— Je ne dois plus te tuer, si tu es celui que je crois.

— Comment ! tu me cherchais avant que je t’aie provoqué ? Pourquoi faire ? Est-ce que tu me connais ?

— Je ne te connais pas, et depuis bien des jours, de l’aube à la nuit, je te cherche.

— Voilà qui est curieux ! Sais-tu mon nom ?

— Je l’ignore.

— Et toi, comment t’appelles-tu ?

— Mon nom est celui d’un brave, je n’ai nulle raison de le cacher : je suis Arslan Khan.

— Eh bien, Arslan, ta gloire n’es pas venue jusqu’à moi. Ton nom n’éveille en moi aucun souvenir. Il est certain qu’il te faut chercher encore et que je ne suis pas celui que tu crois.

— J’ai entendu les paroles du très saint fakir Sata-Nanda. C’est moi qui l’ai envoyé ici offrir ses services pour animer la fête du gouverneur. Crois-tu sans cela qu’un homme comme lui eût consenti à déshonorer sa science divine pour amuser les badauds ? C’est pour toi seul qu’il était ici, et mon attente n’a pas été trompée ; il a vu, à travers tes vêtements, la blessure faite par un tigre, et c’est à ce signe que je devais te reconnaître.