Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/144

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continue d’avancer ; la seconde décharge ne se fait pas attendre, et la troisième arrête court l’élan héroïque de tout à l’heure. La rapidité de notre tir semble avoir stupéfié et fasciné les cavaliers du nabab ; ils restent là sans avancer ni reculer, comme s’ils attendaient la fin de cette canonnade qui, à leur idée, ne peut pas durer. La quatrième décharge brise cette illusion. Alors, à notre grande surprise, nos adversaires tournent bride et une déroute folle, un sauve-qui-peut extravagant les emporte jusqu’au quartier général de Marphiz-Khan. Sans un mort, sans même un blessé, nous rentrons dans Madras, ivres de joie. Ce 2 novembre 1746[1] »

— Je ne m’étais donc pas trompé, s’écria Dupleix dont les yeux rayonnaient, la discipline européenne, la valeur de nos soldats et la précision de nos armes, ont pu suppléer au nombre.

Mme Dupleix entra précipitamment et se jeta dans les bras de son mari.

— Je sais ! je sais ! dit-elle. Ils ont fui, abandonnant tentes et bagages ; ils perdent soixante-dix hommes et, par miracle, pas une goutte de sang français n’a coulé. Un de mes Hindous vient de m’apporter la bonne nouvelle. Il m’apprend aussi que Marphiz-Khan, en même temps que sa cavalerie lui revenait en déroute, recevait l’avis de la marche du petit détachement de Paradis, et qu’il se met lui-même à la tête de ses troupes pour se porter à sa rencontre et le détruire, avant qu’il ait pu communiquer avec

  1. Lettre de d’Espréménil à Dupleix, 2 novembre 1746.