Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/143

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dages roulent de groupe en groupe, emplissent la place d’un bourdonnement de ruche.

Pendant ce temps, Dupleix, au fond de son cabinet, explique à ses officiers son plan de bataille.

Voilà la seconde nuit qu’il ne se couche pas. La fièvre de l’attente le dévore : cette sortie de d’Espréménil, quel sort a-t-elle eu ? Le chamelier-courrier est en retard. À chaque moment le gouverneur se lève, écoutant si personne ne vient.

Cependant une rumeur se fait entendre, un brouhaha, puis des pas précipités dans la salle voisine.

— Enfin !

La lettre est dans la main de Dupleix qui hésite à l’ouvrir. Il ferme les yeux, s’essuie le front. Mais par un effort de volonté il se remet, reprend son calme, prêt à tout, et brusquement brise le sceau.

— Victoire !

Ce mot s’échappe de ses lèvres ; c’est le premier qui resplendit en tête de la lettre, écrite aussitôt le combat fini, tout émue encore et frémissante.

« Notre corps de quatre cents hommes sort de Madras, gagne la plaine et se forme en bataille, masquant nos deux canons. À peine sommes-nous en marche que la cavalerie du nabab se rassemble pour charger, et l’énorme escadron s’ébranle, roule vers nous comme un torrent, comme une avalanche. Au moment où il semble devoir nous broyer, nous faisons brusquement un mouvement de demi-conversion à droite et à gauche, démasquant nos pièces, qui tirent aussitôt. Deux sillons sanglants se creusent dans la colonne ennemie. Elle reprend son ordre cependant et