Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/156

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— Les lâches ! disait la reine, pâle de honte, et ce sont de pareils hommes qui ont conquis notre bel Hindoustan et le courbent sous leur joug !

— Ils semblent en effet un peu dégénérés depuis Timour et Baker, dit Chanda-Saïb en riant ; mais cette journée, funeste à mes ennemis, est glorieuse pour moi. Permets-moi de prendre congé, Lumière du monde ; je veux aller saluer le vainqueur et le charger de mes félicitations pour le grand nabab de Pondichéry,

— As-tu avec toi un interprète ? demanda Ourvaci vivement.

— J’en ai un, et il est ton esclave, comme moi-même.

— Quand tu seras près de ces barbares, demande-leur s’il en est un parmi eux qu’on désigne sous le nom de Charles de Bussy.

Chanda-Saïb regarda la reine avec une profonde surprise : que pouvait-elle avoir de commun avec cet étranger, elle qui semblait même ignorer ce que c’était que des Français ? Mais il vit sur le visage de la jeune femme une expression si étrange de cruauté et de souffrance qu’il crut être en face d’Azrael, l’ange de la mort.

— Arslan-Khan t’accompagnera, continua-t-elle, et me rapportera tes paroles.

— Entendre, c’est obéir, dit le prince : je suis la poussière sous tes pieds et l’adorateur de ton ombre.

Il s’éloigna, après s’être incliné, en posant la main sur son cœur, puis sur son front.

De la plaine, Chanda-Saïb se retourna et jeta un