Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/168

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sous un feu terrible, ils se sont vus forcés de reculer, laissant sur le terrain beaucoup de leurs meilleurs soldats et plusieurs officiers. À présent ils reviennent en force, et entreprennent, dans les règles, le siège du village fortifié. Mais ils montrent moins d’entrain déjà et moins de sûreté ; la perte du major Goodere, le plus expérimenté de leurs chefs, les affecte beaucoup, non sans raison, ceux qui le remplacent ont déjà montré leur incapacité : au matin, on s’est aperçu qu’une batterie, établie la nuit, a devant elle un bois, qui lui masque l’ennemi. Les Français ont salué d’éclats de rire cette bévue incroyable, et ils chantent une chanson moqueuse dont on entend le refrain entre les décharges :


Marlbrough s’en va-t’en guerre…


L’amiral Boscawen est le petit-neveu du célèbre Marlborough ; c’est même à cause de cette haute naissance que, malgré sa jeunesse — trente-six ans à peine — il a obtenu la faveur, presque unique, du double commandement de la flotte et de l’armée. Les soldats français ont appris, on ne sait comment, cette parenté, et leur plaisir est de rythmer le combat sur cet air connu.

Et la mousqueterie crépite, l’artillerie tonne, supérieure du côté des Français, mais nourrie et puissante dans la riposte.

— À la bonne heure ! s’écrie Paradis en pointant lui-même une pièce, ceux-ci ne tournent pas les talons, comme les Maures, au premier mot qu’on leur