Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/192

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Quand l’épouse et le fils de Chanda-Saïb se furent retirés, la bégum retourna dans les salons, et Bussy resta seul avec Dupleix.

Alors le gouverneur appuya ses deux mains sur les épaules du jeune officier, et le regarda dans les yeux.

— Mon cher Bussy, lui dit-il après un moment de silence, ce que je vais vous dire, excepté ma femme qui est comme moi-même, vous seul le saurez. Depuis que je vous connais, je vous observe, je vous étudie, et le résultat de cette étude est tout à votre avantage. À l’intrépidité, à l’emportement du héros, vous joignez le sang-froid et la prudence, un jugement rapide et sûr ; tout en sachant obéir, vous avez de l’initiative ; vous êtes tacticien, et je vous devine diplomate et homme d’État ; de plus vous avez ce don naturel de séduction, dont je sens l’influence sur tous ceux qui vous approchent, et qui est d’une si grande importance dans la vie. Oui, je puis avoir toute confiance en vous, vous êtes bien celui que je cherchais.

— Ces louanges me comblent de joie, dit Bussy, mais je n’ai rien fait encore pour les mériter.

— Écoutez-moi, dit le gouverneur en l’attirant sur un sofa. Voilà longtemps que je guettais l’occasion de me mêler des affaires des princes indiens ; vous avez entendu ce que Chanda-Saïb me demande : mon appui dans la guerre qu’il va entreprendre. L’éclat de nos victoires et la valeur de nos soldats ont donc amené l’événement que je désirais secrètement ! Pour le conseil supérieur, pour les directeurs de la compagnie, l’avantage de cette intervention, à ce que je leur laisserai croire, sera uniquement les éco-