Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/193

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nomies réalisées, les troupes mises au service des princes devant être soldées par eux, ce qui nous permettra d’entretenir en temps de paix avec l’Europe la même armée qu’en temps de guerre, sans compter les dédommagements qu’on ne manquera pas de nous offrir pour les services rendus. C’est cela que je ferai sonner bien haut, pour qu’on n’entrave pas mes plans ; mais ma véritable pensée est autrement téméraire, et, si on la soupçonnait, aussi bien à Versailles que dans l’Inde, on me tiendrait pour fou et on me créerait mille obstacles. Vous avez remarqué, n’est-ce pas, l’état de décrépitude et d’anarchie dans lequel est tombé le gouvernement de ce pays ; des guerres continuelles, des intrigues sanglantes, le pouvoir du Grand Mogol le plus souvent méconnu et méprisé, et le peuple, comme toujours, victime de toutes ces ambitions piétinant sur lui ? Eh bien, ce que je rêve, c’est de conquérir ce pays, de lui rendre le calme et la prospérité, cela pacifiquement, sans combat ni violence. Si l’on me seconde, la chose est faisable. Je peux donner, peut-être, à la France l’empire de l’Inde ! Voyez, si nous réussissons ici, comme nous serons déjà près du but. Nous soutenons deux princes légitimes, traîtreusement dépossédés. Si nous parvenons à leur rendre le trône, quelle reconnaissance, quel respect n’auront-ils pas pour leurs sauveurs ? Nous serons leur guide, leur arbitre, en un mot nous régnerons sous leur nom. Ils nous investiront de titres, de fiefs qui s’agrandiront rapidement ; le peuple, qui aura senti les bienfaits de notre domination, se donnerait à nous par amour, le jour où sans secousse, par la