Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/214

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D’Auteuil éclata de rire.

— Mais c’est qu’il a l’air fâché pour de bon ! s’écria-t-il. Voyons, j’ai voulu vous taquiner un peu pour me venger du succès que vous m’avez soufflé ; faites ce qui vous plaira, cher ami ; ne vous attardez pas trop, et surtout qu’il ne vous arrive rien.

Et le général tendit la main au jeune homme, qui la serra d’une étreinte cordiale, avec un soupir de soulagement.

À l’heure dite, l’homme parut au lieu du rendez-vous ; il était à cheval.

Bussy sauta en selle et, au moment où la lune se levait, il quitta le camp avec son guide silencieux.

Le jeune homme ne vit rien du chemin, ni les plaines arides, ni les bois, ni les cités ; il s’apercevait seulement des montagnes nombreuses, parce qu’elles retardaient sa marche.

Son compagnon, au visage sombre et hostile, à la bouche muette, lui paraissait le plus insupportable des tyrans. Quand il jugeait l’étape assez longue, cet homme mettait pied à terre, cherchait un abri, s’asseyait sur ses talons, ne bougeait plus, et si le marquis, se fâchant, le pressait de continuer le voyage, il montrait d’un geste les chevaux, las et affamés, et faisait signe que lorsqu’ils seraient morts ils ne pourraient plus courir.

On arriva cependant. Vers le soir du deuxième jour on était à Bangalore, devant le palais de la reine.

Là des pages de quinze ans s’élancèrent à la tête des chevaux pour les empêcher de franchir au galop