Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/230

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nement à la longue. Si leur affreux lasso ne l’atteignait pas, leur multitude l’étoufferait.

Alors il pensa à Dupleix qui s’était confié à lui, ignorant quelle démence possédait son cœur et conduisait sa vie ; sa mort allait trahir la noble espérance de son ami ! Il éprouva contre lui-même une grande colère, et il essaya de lutter encore.

Il jeta le sabre et déploya l’étoffe enroulée à son bras, l’agita au-dessus de lui pour repousser ces cordes qu’on lui lançait maintenant de tous côtés. Mais l’air devenait irrespirable : toutes ces haleines, toutes ces sueurs, ces soupirs d’agonie qui s’exhalaient, souillaient d’une épaisse et mortelle atmosphère le sanctuaire embaumé de tout à l’heure.

Le marquis était à bout de forces ; une blessure qu’il avait au front lui couvrait, à chaque moment, le visage d’un voile rouge, lui emplissait les yeux de sang ; aveuglé, il s’essuyait rapidement, mais ce mouvement le découvrait. Il s’engourdissait ; le vertige faisait tournoyer la chambre autour de lui. Deux fois déjà il avait abaissé son épée.

Maintenant il pensait à Ourvaci.

— Je te pardonne, murmura-t-il ; je meurs avec le goût du ciel sur les lèvres.

Soudain un coup de feu éclata, rompant le lourd et terrible silence ; Bussy entendit des voix qui l’appelaient.

À l’une des ouvertures, les Hindous, brusquement, tombèrent en avant, les uns sur les autres, sous une poussée qui les refoulait. Une bouffée d’air frais entra : Bussy vit apparaître des hommes, courant sur les