Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/231

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corps renversés ; il entrevit des figures amies : Naïk, Kerjean, d’autres encore, puis il tomba, ne vit plus rien.

Quand il rouvrit les yeux, il aperçut les étoiles, et respira l’air libre avec bonheur ; mais il était immobilisé par une lassitude affreuse, comme si ses membres étaient devenus de plomb. À genoux, près de lui, une femme, qu’il ne connaissait pas, lui soutenait la tête, Naïk lui baignait le front d’eau fraîche, tandis que Kerjean, debout, déchirait un mouchoir.

— Mes amis, dit-il, merci : vous m’avez sauvé ; comment, je ne puis le comprendre.

— Pardieu ! c’est Naïk, dit Kerjean, il a deviné que ce rendez-vous, où vous couriez, cachait un guet-apens, et comme il prétendait que rien ne vous en détournerait, nous avions pris le parti de vous suivre de près, pour vous porter secours au moment voulu.

— Hélas ! dit le paria, qui pleurait, en essuyant le sang de son maître, nous sommes arrivés bien tard.

Le marquis ne détachait pas ses regards de cette femme, penchée vers lui, qui le contemplait avec des yeux pleins de larmes.

— Je suis Lila, dit-elle, répondant à sa question muette, j’ai su, trop tard pour t’avertir, qu’on en voulait à ta vie ; mais j’ai pu guider tes amis et aider à te sauver.

— Comme tu es bonne !

— Vous n’êtes pas encore en sûreté, dit-elle, quittez vite cette île maudite.

— Suis-je blessé gravement ? demanda Bussy, je ne sens plus mon corps, tant je suis brisé de fatigue.