Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/244

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conseils les plus sages, lui ont brisé la victoire dans la main ; il se demande s’il doit leur continuer sa protection, et risquer la vie de ses soldats, pour des princes qui ne savent pas poursuivre leurs conquêtes.

— Ne dis pas des paroles aussi cruelles, s’écria Chanda-Saïb ; tu sais bien que ce n’est pas moi qui commandais l’armée du Carnatic, et que j’ai supplié Mouzaffer de ne pas céder à un mouvement d’affolement et de désespoir, de fuir plutôt que de se rendre, lui et ses troupes, à son mortel ennemi. Et tu vois que j’ai su garder ma liberté, dans cette malheureuse aventure, où j’ai reperdu le pouvoir que vous m’aviez conquis.

— Oui, je sais que tu es brave et fidèle ; la défaite que nous venons d’infliger à ton rival, Mahomet-Aly, est la preuve que nous ne t’abandonnons pas.

— Alors c’est Mouzaffer que vous abandonnez, s’écria le nabab de Kadapa, puisque Dupleix envoie à Nasser-Cingh des ambassadeurs et des présents.

— Ce n’est pas quand il est dans le danger, s’y fût-il jeté par sa faute, que nous abandonnons un ami, dit fièrement Bussy, la conduite même de Dupleix aurait dû vous le faire comprendre. Vous devez être surpris cependant que, prisonnier de son oncle, auquel il dispute le trône, Mouzaffer soit encore vivant. Eh bien, ce sont les pourparlers, les menaces et les promesses du gouverneur de Pondichéry, qui tiennent suspendue la hache, au-dessus de la tête du Soubab légitime.

— Il faut nous hâter d’agir, dit Chanda-Saïb, car