Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/245

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cette hache peut tomber, d’un moment à l’autre, par un caprice d’homme ivre, et, avec la vie de notre chef, anéantir nos espérances.

— La conspiration est puissante, dit le nabab de Kanoul ; à la prochaine bataille, les troupes de Kadapa et de Kanoul se retourneront contre leur allié, et les umaras, ici présents, entraîneront leurs hommes, à un signal donné. Ce signal, c’est un drapeau français, arboré sur un des éléphants de guerre. Je l’ai demandé à Dupleix, ce drapeau, pourquoi ne l’envoie-t-il pas ?

— Je l’apporte, dit Bussy en tirant de dessous son manteau un morceau de moire blanche, qu’il déploya, laissant voir la figure d’or, dans un rayonnement, sous la devise française. Mais qui me répond, ajouta-t-il, que vous lui serez fidèles ?

— Notre haine, dit l’un des nababs ; celui que nous trahissons m’a menacé, moi, quand je lui réclamais la juste récompense de mes peines, de m’arracher mes titres, mes biens et mon pouvoir et de me faire mourir sous le rotin.

— Il a fait pire à moi, s’écria le nabab de Kadapa, il a fait bâtonner mon vieux père, pour le forcer à lui découvrir des trésors imaginaires, et on l’a laissé mort sur la place. Je vengerai mon père, et je réclame la faveur de tuer son meurtrier.

Bussy donna le drapeau au nabab de Kadapa.

— Vos troupes forment à peine un sixième de l’armée, reprit le jeune Français après un moment de réflexion, et, avant votre défection, un combat sanglant est inévitable ; mais il faut d’abord en finir