Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/251

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esclaves, envoyant vers les blessés, promettant de couvrir d’or les survivants : je la rejoignis dans la chambre haute ; elle s’était jetée sur le sol et sanglotait la tête dans ses bras.

« — Pardonne-moi, lui dis-je alors, je me suis oubliée jusqu’à te parler durement.

« — Je n’ai rien à te pardonner, dit-elle, je me fais horreur, tes paroles étaient trop douces.

« — Ah ! que tu me fais de bien ! lui dis-je, tes larmes me consolent. Vois-tu, je ne pouvais plus t’aimer.

« — Que deviendrais-je, si tu ne m’aimais plus ? dit-elle ; mais je ne mérite pas d’être aimée ; l’on veut pétrifier mon cœur, faire de moi un être monstrueux. Mon esprit est peuplé de folies, je ne me reconnais plus, et je me déteste moi-même.

« Je la tenais dans mes bras, et je voyais tout au fond de ses beaux yeux, noyés de larmes, une grande joie rayonner. C’était de te savoir vivant, et je lui pardonnai beaucoup, à cause de cela, car je compris que l’indigne favori Panch-Anan avait tout fait, tout ordonné, et que l’affreuse trahison n’a pas été conçue par elle.

« Pardonne-lui, la haine qu’elle te porte est atteinte et saignante ; n’espère rien pourtant : l’espoir est une fleur décevante !

« Sois toujours victorieux, jeune héros, et souviens-toi que je suis ton amie. »

— Ah ! s’écria Bussy, en roulant la précieuse feuille de palmier, cette princesse, belle comme une fée, savante comme un brahmane, libre d’esprit comme