Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/252

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un philosophe, quel contraste avec la divine Ourvaci, affolée de préjugés.

— La reine était comme Lila, dit Naïk, toutes deux instruites par le même saint homme. Une dévotion tardive et exaltée par un fanatique a égaré la reine. Mais, je t’en conjure, repose toi, maître, cet assaut sera terrible demain ! Ménage tes forces, tâche de dormir.

— Dormir ! informe-toi donc si les échelles, que Dupleix a fait fabriquer pour moi, à Pondichéry, sont enfin arrivées.

Naïk sortit en courant, et peu d’instants après rentra sous la tente.

— Les échelles viennent d’arriver, maître, dit-il ; elles sont si longues qu’il faut dix hommes pour les porter, et elles ont voyagé chacune sur trois chariots.

— Me voilà tranquille alors, dit Bussy : éteins la lanterne, et puisque tu le veux je vais tâcher de me reposer un peu.

Il se recoucha et ferma les yeux, mais non pas pour dormir, c’était pour mieux revoir la chambre octogonale, aux panneaux d’ivoire, et revivre, minute à minute, la scène qu’elle avait enfermée et dont le souvenir était pour lui une inépuisable source d’ivresse.

Quelques heures plus tard, on a levé le camp, et les volontaires de Bussy, masqués par une jungle de poiriers épineux, attendent, l’arme au pied, l’ordre de marcher. Ils causent entre eux à voix basse.

Quelques-uns se sont assis sur des pierres et jouent, hâtivement, une partie de dés, ayant pour table la