Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/255

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Gengi apparaissait, maintenant, au bout de la plaine, comme une création extravagante et impossible. C’était une montagne, s’élevant brusquement, par des pentes âpres, couvertes de verdure, jusqu’à un plateau presque triangulaire, à chaque angle duquel surgissait un pic vertigineux, aux parois droites comme des murailles, où il n’y avait d’autre sentier que quelques entailles faites par les hommes. La ville était sur ce plateau, entre ces trois montagnes, et des murs, extrêmement forts, avec de nombreuses tours, suivaient les sinuosités du terrain, sur plus de trois milles de circuit, enfermant les trois pics et la cité. Tout en bas, dans la plaine, adossée à la montagne, apparaissait une blanche mosquée, à deux rangs d’arcades, avec de fins minarets ; et, au sommet de chacun des trois mamelons, se détachait sur le ciel une forteresse, environnée d’une ceinture de redoutes.

Gengi avait été la capitale des rois mahrattes, dont la domination s’était étendue jusqu’au Carnatic, et les fortifications témoignaient de la science militaire de ces guerriers fameux. Le célèbre héros Sivadji l’avait assiégée, mais non prise, elle s’était rendue. Aureng-Saïb, à son tour, en avait fait le siège. Mais, en somme, elle n’avait été enlevée d’assaut : jamais.

Le soleil, illuminant la montagne et les trois roches géantes, leur donnait une apparence de plus en plus fantastique. Les soldats, comme fascinés, regardaient, riant de l’impossibilité de l’entreprise, résolus néanmoins.

Bussy passa sur son bel arabe, qui secouait gracieusement sa longue crinière. Le jeune homme était