Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/271

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— Qu’on se hâte donc d’exterminer cette poignée d’hommes ivres, répétait le soubab, et qu’on ne m’en parle plus.

La nouvelle de l’extermination ne venait pas cependant ; malgré leur tremblement, les messagers étaient contraints d’avouer que la victoire se faisait attendre, que ces Français avaient la vie aussi dure que celle des requins, dont le cœur, arraché, bat encore pendant trois jours, mais qu’ils allaient être bientôt écrasés, pulvérisés, bus comme des gouttes d’eau, par le soleil de la majesté royale.

Brusquement un umara entra, couvert de poussière, criant que le Soubab était en danger, l’armée ayant honteusement pris la fuite, et les vainqueurs étant à quelques centaines de toises.

Nasser bondit sur ses pieds, avec un rugissement de fureur.

— Que font donc les princes vassaux ? cria-t-il.

— Les troupes des nababs de Kanoul, de Kadapa, d’autres encore, n’ont pas donné jusqu’à présent, dit l’umara.

— Ah ! les misérables ! hurla le roi en grinçant des dents, je les ferai écorcher vifs, empaler, broyer sous des meules. Qu’on amène mon éléphant et qu’on aille à l’instant me chercher la tête de Mouzaffer-Cingh. Je la leur jetterai, en guise de boulet, à ces insolents Français ; puisque c’est pour elle qu’ils combattent, ils auront ce qu’ils désirent.

Il monta sur son éléphant et, entouré de ses gardes, s’élança vers les troupes vassales. Il rencontra celles du nabab de Kadapa qui, lui-même, marchait à leur tête.