Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/272

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— Ah ! te voilà, indigne poltron ! lui cria-t-il, c’est ainsi que tu me sers ; tu n’oses pas défendre l’étendard du Mogol et le mien, contre un ennemi aussi méprisable !

— Je ne connais pas d’autre ennemi que toi, pourceau ivre de sang ! répondit le nabab ; il faut être Nasser-Cingh pour croire que c’est en faisant mourir le père sous le rotin, qu’on gagne le dévouement du fils. J’ai juré que j’aurais ta vie ! et le règne est fini de l’ivrogne sanguinaire !

— À moi, mes gardes ! cria le soubab, emparez-vous de lui, attachez-le, que mon éléphant lui écrase le cou sous son pied !

— La balle ira plus vite que tes hommes, dit le nabab avec un rire insultant.

Et du haut de son éléphant, appuyant à son épaule sa carabine, revêtue d’ivoire ramage d’or, il visa, tira et atteignit le soubab au cœur.

Avec un rauque soupir, Nasser, une seconde immobile, chancela, la bouche ouverte, les yeux hagards ; puis la masse noire de son corps s’affaissa, dans les vêtements de pourpre et d’or, et roula à bas de l’éléphant.

Ses gardes, frappés de stupeur, essayèrent mollement de le venger. Le nabab donna l’ordre de couper la tête du vaincu.

Il courut aussitôt délivrer Mouzaffer, qu’il salua solennellement soubab du Dekan, et lui présenta, comme un gage de son pouvoir, désormais incontesté, la tête convulsée de son oncle.

Mouzaffer remercia d’abord Allah, maître des desti-