Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/273

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nées, embrassa le nabab, puis donna l’ordre de planter la tête de Nasser-Cingh au bout d’une perche.

Il prit place alors sur l’éléphant, magnifiquement harnaché, du haut duquel son ennemi avait roulé dans la poussière, et on le fit avancer, à travers l’armée, précédé du sanglant trophée.

De toutes parts on l’acclama ; on jetait les armes sur son passage, on agitait les bannières, et le soubab, rétabli dans sa dignité, à l’ombre du parasol royal, qu’on avait ouvert au-dessus de sa tête, recevait d’un air impassible tous ces hommages.

Bussy s’avança à la rencontre du roi pour le féliciter. Un grand silence s’établit alors, parmi l’armée hindoue, et une haie se forma sur la route du jeune Français. On se poussait, on se haussait, pour apercevoir le vainqueur de Gengi, le héros, presque fabuleux, dont on parlait tant.

Il était extrêmement pâle, blessé, se soutenant avec peine, mais tellement imposant, dans son uniforme sombre, avec son allure fière et grave, et le rayonnement que ses yeux gardaient encore de la fièvre du combat, qu’un murmure d’enthousiasme frissonna parmi la foule, et que le roi, pris d’une soudaine émotion, descendit de son éléphant et vint se jeter aux pieds du représentant de la France.

— Ah ! s’écria-t-il avec des larmes dans les yeux, c’est bien à toi que je dois tout et, je te le jure : je ne l’oublierai jamais !