Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/285

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Il s’assit sur un banc de marbre, ouvrit l’étui et déroula la lettre écrite cette fois en caractères d’or sur du satin blanc.

« D’étranges nouvelles, comme un vol de perroquets bavards, nous arrivent du Carnatic, disait Lila, tu ressembles à Rama, aux yeux de Lotus bleus, et voilà que ta gloire égale celle de Rama !

« La renommée est comme le parfum qui se glisse partout : tu seras heureux de savoir que la tienne a pénétré jusqu’à la reine, surprise et inquiète d’entendre ton nom vibrer sur toutes les lèvres. J’ai cru deviner qu’elle a peur pour toi. Elle sait l’implacable haine du premier ministre Panch-Anan, elle voudrait qu’il ne se souvînt plus de toi, et voilà que toute l’Inde te fête comme un héros !

« Ourvaci affirme quelle est calme à présent, délivrée de la souillure ; mais je lis dans son âme, et j’y vois une obsession, un trouble plus profond que jamais. Elle lutte sans espoir de vaincre, j’assiste, muette, à ses combats et si je me suis faite ton alliée c’est pour la mieux servir. Le moyen que j’ai imaginé pour cela, je le crois bon, mais jamais tu ne le connaîtras. »

Bussy, pour la première fois, se sentait enveloppé par la consolante caresse de l’espérance, et un frisson d’orgueil courait dans son sang, lorsqu’il pensait au chemin parcouru depuis ce premier bal chez le gouverneur, où, à cette même place, l’umara inconnu lui avait parlé au nom de la reine outragée.

— Mais Arslan-Khan fait partie maintenant de l’état-major du soubab, il doit être ici ! s’écria-t-il, tout haut, par mégarde.