Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/29

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courant vers l’entrée des bois qui fermaient l’horizon. S’il pouvait rencontrer la chasse, voir des rajahs !

Il précipita sa course, atteignit bientôt la forêt et s’enfonça, avec délices, sous son ombre fraîche et reposante. Il marcha au hasard entre la colonnade des arbres, car il n’y avait pas de route tracée ; une mousse épaisse et fleurie étouffait les pas du cheval.

L’animal, d’ailleurs, semblait inquiet dans ce lieu inconnu, il agitait ses oreilles, humait l’air saturé d’émanations suspectes et n’avançait qu’avec répugnance ; mais son maître ne prenait point garde à ces signes de désapprobation ; il était comme fasciné par l’extraordinaire majesté de cette solitude, où les bruits, dont était fait le silence, mettaient une vague musique.

Après quelque temps, le chemin fut moins aisé, le sol se hérissait de ronces, de plantes étranges aux feuilles tranchantes, des lianes s’y emmêlaient. Bussy mit pied à terre et, passant la bride autour de son bras, avança avec précaution. Il atteignit, après avoir longtemps marché, un ravin peu profond vers lequel un ruisseau courait, lorsque tout à coup le cheval tira sur la bride, refusa d’aller plus loin, se raidissant sur ses jambes et donnant tous les signes de la plus vive terreur.

Le jeune homme regarda autour de lui, rien ne justifiait cette épouvante ; il se pencha vers le ravin, et alors, à son tour, il demeura aussi immobile que son cheval.

Au-dessous de lui, de l’autre côté du vallon, à l’en-