Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/290

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Anglais ! M’approuve-t-on seulement ? Dieu le sait, et j’attends tout de lui.

— Votre œuvre est trop belle et vos succès trop éclatants pour que la France n’en soit pas fière et reconnaissante, quand elle les connaîtra, dit Bussy ; mais, s’il m’est permis de dire mon avis, abandonner le soubab à lui-même serait une grave imprudence ; Mouzaffer règne sur le Dekan, il faut que Dupleix règne sur Mouzaffer, si j’ai bien compris votre pensée. Aujourd’hui il ne respire que par vous, mais que pensera-t-il demain, si, hors de notre vue, d’autres influences le détournent de nous ? Il faut, en effet, qu’un de vos fidèles reste près du roi et, tout en le protégeant, sauvegarde et poursuive le grand projet dont vous m’avez fait l’honneur de partager avec moi le secret.

— C’est votre avis, ami, je le pensais bien, dit le gouverneur d’un air absorbé ; et quel autre que vous peut remplir cette mission, pour laquelle il faut être en même temps un soldat intrépide et un homme d’État ? Hélas ! que n’ai-je deux Bussy ! Je n’éprouverais pas alors l’angoisse qui me tenaille. Enfin, soit, il le faut : vous partirez avec quelques-uns de mes meilleurs officiers. Vous pouvez dire au vizir que j’accorde au roi ce qu’il me demande.

— Cette précieuse faveur est pour moi doublement heureuse, dit le brahmane, quand Bussy lui eut traduit les paroles du gouverneur, puisqu’elle me donne la certitude que nous te gardons près de nous. Le roi est fort pressé de partir, ajouta-t-il, et il faudra brusquer les préparatifs.