Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/298

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le Bilva, qui porte un fruit suave autant qu’un baiser.

Près de l’Amour on voyait son compagnon, le Printemps, et devant lui, agenouillées, ses deux épouses, Rati, la Volupté, et Prîti, l’Affection.

Lila s’avança, les bras chargés de branches fleuries, et se mit à tourner autour de la statue, en récitant à demi-voix le mantran consacré. La reine, adossée à un arbuste, la regardait faire, observant surtout le trouble et l’agitation qui s’étaient, emparés d’elle, depuis qu’elle avait reçu cette lettre, maintenant cachée sous la brassée de fleurs. Ses joues s’empourpraient, pâlissaient ; ses yeux brillaient de joie et elle entr’ouvrait les lèvres comme oppressée d’émotion.

— Qu’espère-t-elle donc ? se demandait Ourvaci, il est certain que ce message est de lui. Une impatience la tient, mais de quoi ?

Maintenant, agenouillée aux pieds de la statue, Lila déposait ses offrandes.

— Eh bien, reine, dit-elle quand elle eut terminé, tu ne crains donc pas le courroux de Kama-Deva, que tu approches aussi près de lui, sans même le saluer ?

— Puisque la loi qu’il impose ne sera pour moi qu’un triste devoir, et que mon sort est fixé, pourquoi saluerais-je ce dieu, et que pourrais-je lui demander ?

— Demande-lui au moins de t’épargner, s’écria la princesse ; tu sais de quoi il est capable, ce fils de Brahma, qui essaya ses premières flèches sur son père, rendant le maître des dieux amoureux de sa