Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/297

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— Ah ! ma reine, permets que je parle à ce messager !

Et, sans attendre la permission, elle s’élança vers lui.

Ourvaci, qui suivait la princesse des yeux, vit l’homme lui remettre une lettre, qu’elle lut rapidement ; puis il lui tendit un stylet et une feuille de palmier et, s’agenouillant, offrit son dos pour table. Lila écrivit la réponse en quelques mots, fit une recommandation au messager, qui partit en courant.

La princesse revint, très émue, mais garda le silence. Elle avait passé la lettre dans sa ceinture de pierreries, un des angles se laissait voir et sa blancheur attirait invinciblement les regards de la reine ; mais elle ne voulait pas interroger son amie, trop discrète à son gré.

Lila cueillait des fleurs pour son offrande, et elles enfonçaient, jusqu’aux chevilles, dans les pétales tombés.

L’asoka pourpre, qui semblait couvert de corail en perles, faisait une ombelle au dieu de l’amour. Il apparaissait, en marbre, peint et doré, chevauchant un perroquet géant, et souriait sous sa mitre à jour, en tendant son arc, fait de bois de canne à sucre, avec une corde d’abeilles d’or. Les cinq flèches, dont il blesse chaque sens, dépassaient le carquois, armées chacune d’une fleur différente : au trait qui vise les yeux la Tchampaka royale, si belle qu’elle éblouit ; à celui destiné à l’ouïe, la fleur du manguier, aimée des oiseaux chanteurs ; pour l’odorat, le Ketaka, dont le parfum enivre ; pour le toucher le Késara, aux pétales soyeux comme la joue d’une jeune fille ; pour le goût,