Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/325

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tude qui l’obsède : le danger imminent de ce mariage, dont la seule pensée lui donne des frissons glacés ; mais il éloigne ces terreurs ; il est aimé et ne veut rien savoir de plus.

À présent, il ferme les yeux, pour mieux s’enfoncer dans son rêve, pour laisser les chères visions qui le font vivre, apparaître plus lumineusement.

C’est ainsi qu’il trompe les heures, heureux de ces illusions, auxquelles le tabac qu’il fume, trempé d’opium, donne une vivacité extrême.

Une fanfare éclatante vient tout à coup l’arracher à son rêve, avec une secousse douloureuse ; il rouvre les yeux, à regret.

— Qu’est-ce donc ? dit-il. Les troupes musulmanes, sans doute, qui reviennent du champ de manœuvres.

Une revue a lieu, ce jour-là, de tous les cavaliers hindous, et Bussy s’est abstenu d’y assister, pour laisser le roi briller seul, car il évite autant que possible de le blesser, en montrant la dépendance dans laquelle il le tient, lui laisse toutes les apparences du pouvoir et déguise toujours les ordres qu’il donne sous forme de conseils ou de prières.

Un page a soulevé une portière :

— Des hérauts viennent d’annoncer que Sa Majesté le roi sera ici dans quelques instants, pour rendre visite à Ta Grandeur, dit-il.

— Le roi ? ici !

Bussy s’est levé vivement ; il donne des ordres pour la réception : les canons du portail doivent tirer ; les garaouls en haie dans la cour, les bayadères avec des