Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/334

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion, que le gourou dit tout bas aux plus savants seulement, il me l’a dite à moi, et, si je ne craignais de trahir mon serment…

— Dis-la, cette phrase, je le veux.

— Eh bien, voici : « Comme Sourya, qui sous des noms différents est, dans le monde entier, l’astre du jour, qu’on appelle Brahma, Ormuz ou Allah, Lui, c’est toujours Lui. »

— Je n’ose approfondir cette impiété, dit Ourvaci en détournant la tête.

— C’est une vérité sublime, au contraire.

— Cela ne m’empêche pas d’être au désespoir de n’avoir pu mieux me défendre d’un aussi funeste amour. Ah ! Lila, que n’ai-je pas fait pour l’écraser, ce sentiment perfide, qui prend notre cœur pour berceau ! Mais j’étais comme une mère, résolue à tuer son enfant. Elle veut l’étouffer : elle le caresse ; elle le croit mort : il lui sourit !

— Laisse maintenant ton âme se détendre, dit Lila, en l’attirant dans ses bras ; ne résiste plus au courant qui brise toute résistance, il te conduira peut-être au bonheur.

— Ah ! ne parle pas ainsi, le jour où le malheur est en chemin. Que devenir, hélas ! comment éviter l’inévitable ?

— Appelons Rama à notre aide ; le héros peut-être nous sauvera.

— Le prévenir, ce serait l’arrêt de mort du roi, car, celui dont le nom est dans notre cœur, m’a dit d’une voix furieuse, durant cette nuit terrible de l’île du Silence, qu’il tuerait tous ceux qui s’approcheraient