Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/335

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de moi. Eh bien, ajouta la reine en se levant d’un air résolu, je ne recevrai pas cet ambassadeur ; je déclare la guerre au soubab ; nous serons écrasés, mon royaume disparaîtra, n’importe ; nous mourrons en guerrières.

— Ne précipitons rien, je t’en conjure ; il sera toujours temps de mourir, et peut-être y a-t-il d’autres moyens de nous sauver. Mais, folle que je suis ! ajouta Lila, l’épouvante où m’a jetée ton évanouissement m’a fait oublier une lettre qu’un courrier, arrivé en même temps que les hérauts, m’a remise.

— Que dit cette lettre ?

— Je ne l’avais pas ouverte encore.

Elle la prit vivement dans sa ceinture et brisa le cachet. Dès les premières lignes elle poussa un léger cri.

— Devine qui est l’ambassadeur ?

— Lui ? dit la reine.

— Lui ! Il y a au moins un peu de joie dans notre malheur. Écoute ce qu’il dit ; il semble bien triste : « J’ai accepté cette mission douloureuse, je n’ai pu résister au désir d’être reçu en ambassadeur dans ce palais où l’on m’a reçu, jadis, en paria. Mais c’est surtout pour la revoir. Elle, longuement et sans doute pour la dernière fois ! Malgré mes menaces, je ne peux pas exiger qu’elle renonce au plus puissant trône de l’Hindoustan. Qu’elle fasse donc selon sa volonté. Je saurai me dérober au désespoir. »

La reine prit la lettre et plusieurs fois la relut.

— Il ne sait donc pas, murmura-t-elle, qu’à cause de lui ce mariage est impossible ?