Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/340

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peuses. Mais il était si troublé qu’il n’y prenait pas garde, et Naïk, comme s’il eût été son interprète, répondait, dans le même style, avec les formules consacrées.

L’étiquette voulait que le premier ministre reçût l’ambassadeur, au seuil du palais qui lui était destiné ; c’était donc Panch-Anan à qui incombait ce devoir. Bussy, prévenu par Naïk, eut un haut-le-corps en se trouvant face à face avec son mortel ennemi.

La surprise du brahmane fut plus forte encore. Il se rejeta en arrière, les yeux élargis, les mains ouvertes, et ne retint qu’à demi son cri d’effroi. En secret, il avait aperçu le jeune homme, pendant le terrible combat de la chambre d’ivoire, et, après un instant, s’était enfui, épouvanté de la force de son ennemi, craignant d’être atteint par ses coups.

— Eh bien, mon père, dit Bussy, qui maintenant avait un rire moqueur, crois-tu qu’un barbare d’Occident ait du venin comme le cobra ? ou t’imagines-tu voir en moi un spectre ?

Panch-Anan, incapable de se remettre, balbutia, perdit contenance, et finit par s’enfoncer dans la foule des courtisans. Alors un autre personnage s’avança, saluant, les bras croisés sur la poitrine.

— Je suis heureux de te revoir, hôte illustre, dit-il ; aurai-je le bonheur d’être reconnu par toi ?

Et il regardait Bussy avec un regard franc et un sourire sympathique. C’était Abou-al-Hassan, le médecin.

— Certes, je te reconnais ! s’écria le marquis en lui tendant la main ; l’ingratitude me semble le plus laid des défauts, et je te dois de la reconnaissance.