Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/341

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— Veux-tu me suivre ? dit Abou-al-Hassan. J’usurpe les fonctions du ministre, puisqu’il se dérobe à ses devoirs, terrifié, comme s’il avait vu Siva armé de son trident.

Il ajouta à voix plus basse :

— La princesse Lila est en haut ; elle a tenu à te saluer au seuil de ton appartement.

Bussy pressa le pas. Ils montèrent une galerie à pente douce, au sol poudré d’or, d’aloès et de santal, qui lui rappela celle qu’il avait gravie dans le palais du Silence.

Lila, souriante, s’avança vers lui ; elle tenait appuyée contre son flanc une corbeille pleine de fruits.

— Au nom de la reine de Bangalore, je te salue, dit-elle, en ployant un genou devant lui, sans qu’il pût l’en empêcher ; le palais s’illumine de ta présence, comme le ciel lorsque Sourya y fait ses premiers pas. Accepte ces fruits que la souveraine elle-même a cueillis pour toi, dans la rosée matinale, reçois aussi le bétel, et, comme présent de bienvenue, ce collier d’opales, encore tiède du doux contact d’un sein royal.

Elle prit l’écrin des mains d’un page et se haussa pour passer le collier au cou du marquis, lui disant tout bas, avec malice :

— Cette fois, j’espère que tu ne feras pas rouler les pierreries dans la poussière, avec celle qui te les offre.

Il la rassura d’un sourire, mais, le doigt sur les lèvres, elle lui fît comprendre qu’il était censé ne pas la connaître et devait garder un air grave et froid.